mercredi 17 décembre 2008

Peau d’âne, poème expansé

Editions Trouvères & compagnie, Lille 2008



Il était une fois… Peau d’âne
Il était une fois une reine mourante qui fait promettre au roi qu’il ne se remarierait qu’avec princesse plus belle et plus sage qu’elle. Le roi, d’abord veuf éploré, songe assez vite à convoler, mais comment ? Las de chercher, c’est au coeur même de son château qu’il trouve princesse plus belle et plus sage : sa fille ! Pour échapper aux desseins paternels, la jeune fille consulte sa marraine, la fée des lilas, qui n’est pas à cours d’idées. Le chemin du conte est tortueux – qui reconnaîtrait une princesse sous la peau de l’âne ? Un prince charmant, bien sûr…

Peau d’âne, depuis Perrault…

Depuis des lunes, les contes se transmettent et circulent. Perrault et son fils en ont fixé une dizaine en les écrivant ; la postérité n’a gardé que le nom du père. La reprise de Poucet, Peau d’âne, ou Chaperon rouge, est indéfinie et permanente ( films, réécritures, opéra…), et échappe aux édulcorations successives (du ‘mignon’ au ‘sans saveur’) dans lesquelles on a pu les enfermer.
Ainsi, quand Jacques Demy, de retour des Etats-Unis au début des années 70, projeta de réaliser Peau d’âne , il eut bien du mal à convaincre des producteurs – Walt Disney n’était-il pas là pour cantonner l’adaptation du conte à un produit commercial pour enfants ? Heureusement, Jean Marais et Catherine Deneuve n’hésitèrent pas un instant, et soutinrent Jacques Demy, qui put tourner sa version de Peau d’âne : un film sur le désir – ses inconvenances, sa brutalité, ses rutilances, ses péripéties – pour tous les amateurs de cinéma. Et pour tous les amateurs du conte, jeunes et moins jeunes confondus.
Quand Sylvie Nève réécrit Peau d’âne, elle commence par relire la version de Charles Perrault, et, poète, elle réécrit le conte en vers – pour tous ceux, moins jeunes, ou jeunes, qui veulent entendre et lire de la poésie tramant l’histoire et la langue du désir, ses rebondissements, ses tours et ses détours.

Bien qu’édulcorées au fil des éditions, les versions successives ne sont pas parvenues à rendre le conte tout à fait lisse, destiné aux seules oreilles enfantines – comme si les enfants s’en laissaient conter. En outre, quand Perrault amena le recueil à la Cour, la Grande Mademoiselle, à qui le recueil était dédié, n’était plus du tout une petite fille : la princesse avait 19 ans, et son charme et sa vivacité d’esprit étaient connus et appréciés… Perrault n’amène pas à la Cour des petites histoires lisses à l’usage des plus jeunes.

Remettons un peu les pendules des contes à l’heure : d’une part, les plus jeunes ne sont pas ignorants des rugosités et des dissonances de la vie – maltraitance, mort, inceste, etc. ; d’autre part, les plus âgés ne détestent pas se rappeler que, malgré les rugosités et les dissonances, réelles et fantasmées, ils ont trouvé leur chemin.

Extrait

Il était une fois
poils, cailloux
bijoux, fées, foi d’animal
roi et reine aux temps chauds
ne songeant qu’au
bonheur.

Il était une fois
un roi grand, aimant
sa bien-aimée, reine
union oh parfaite
enfant désiré qui naquit
fille.

Une fille !
Douce
douée
une fille
douce douée
de tant de grâces
et de charme
– oh l’unique fruit
de leur consentiment !

Il était une fois un homme, une femme
roi, reine, une enfant
belle enfant, douce peau
trop jeune, seule, pour perdre ses rêves.
Ils étaient fort riches
bijoux, cigogne, loups anciens
ce roi, cette reine, et leur fille
rêvaient richement.

Mais destin, destin
est seulement maître !

Il était une fois bonheur, magnificence, union parfaite
tendre hyménée, belle enfant, seul fruit
de ce mariage, si douée, charmante
et belle, et un palais, et des ministres
sages, habiles, vertueux
et courtisans, et abondance
et fidélité, sagesse, vertu
et un âne.

Un âne
pas comme les autres
un âne
hi-han
ne chiant
pas comme les autres
un âne
chi-ant
magique-ment
en ce temps là
un âne
hi-han
chi-ant
nulle
ordure !



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