dimanche 15 mars 2009

Mélion, chevalier-loup (IV)

Le combat



Leu loup
Mélion-loup court par la lande
Dame, ma dame, c’est pour vous, pour l’amour de
vous que moi-loup suis tout à vous-dame qui
loup-je suis combattre et battre seigneur Cerf est-il où
gifles d’odeurs pétries fougères bruyères hérissons lièvres biches
sangliers urine baies rouges lie de vin noires racines
excréments embruns aussi terreau truffe
odeurs se multiplient, myriades se frayent
chemin écarte les mots des idées
leu loup suis, Mélion-époux-loup, sang ardeur
odeurs battent au cœur le sang et la fourrure
souffle langue canidés crocs sanglants
senteurs entre les syllabes mâchoires les phrases
Mélion cherche les mots cherchent le grand Cerf
et gueule et truffe et crocs se répètent les parfums terribles
nerfs moteurs puissamment que Mélion suit éperdu, captif
loup ivre furieusement décèle
enfin l’odeur
du grand Cerf…

Il est là, au milieu d’une clairière, immobile il sait
l’odeur du loup la fureur
le combat du loup, proche…
Il est là, force et beauté du monde des forêts – Mélion souffre
loup frémit éructe loup hurle – Mélion souffre
loup hérissé grogne et bave – Mélion ne
le grand Cerf…

Le combat
gueule attaque
grands bois frappent
les hurlement des deux animaux parviennent jusqu’à la dame
et l’écuyer – pourtant déjà si loin –
la forêt tremble
un loup attaque le grand Cerf
la forêt
bientôt chaque combattant est blessé
la clairière saigne
un temps silence
chacun reprend des forces
puis de nouveau menace et grogne
hurle Mélion-loup bondit
d’un coup mord cruellement arrache
un morceau de chair
et s’enfuit…

Le grand Cerf brame
Mélion-loup s’enfuit loin de la clairière à jamais
il court longtemps
il rejoint enfin
la dame, ses vêtements, sa condition, la bague
la dame, ses vêtements, son épouse, le jeune écuyer ?
L’anneau, ses vêtements, sa femme ?
Où sont-ils, où sont-ils ?
Oh l’odeur ténue…


Déploration


« Dame !
Ma Dame, ma femme
chère épouse, mon épouse
ma très chère, où êtes-vous ?
Mon amie, vous cachez-vous ?
Madame, jouez-vous ? Ne jouez
plus, madame, montrez-vous !
Madame, mon aspect
ce pelage, ces crocs, ces griffes
ne craignez rien : poils, dents, bave
pour l’amour de vous !
Madame, mon amie, ma mie
rendez-moi l’anneau
rendez-moi
mon âme
mon corps
mon corps d’homme
d’époux
de chevalier !
De grâce, Madame
êtes-vous
mon amie
mon ennemie ?
Madame
Etes-vous
ma femme ?
Pour l’amour de vous
ci suis mi-homme mais loup !
Pour l’amour de nos fils
mes enfants, vos fils, vos enfants
madame je vous prie vous supplie
rendez leur père
rendez ma voix
rendez intelligible 
ma vive voix !... »



Aucune voix ne s’élève…

La forêt s’était tue –
nul oiseau,
les chevaux aussi ont disparu.

.../...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire